A.I.L.A : Un Survival Horror Innovant mais Inégal

Publié le 10 Déc 2025 à 15h00

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A.I.L.A : Un Survival Horror Innovant mais Inégal

Test réalisé à l'aide d'une clé envoyé par l'éditeur

Avec A.I.L.A, Pulsatrix tente un coup de poker : un survival horror à la première personne où une IA façonne des cauchemars "taillés" dans les peurs du héros, le tout servi par l’Unreal Engine 5 et une promesse de mise en abyme méta sur le jeu vidéo et la réalité virtuelle. Après notre première preview, nous avons testé le jeu complet qui oscille entre concept brillant, réalisation visuelle souvent bluffante et gameplay trop inégal, le résultat oscille en permanence entre fulgurances et frustrations.

 

Un concept méta fascinant, un récit qui s’égare

A.I.L.A place le joueur dans la peau de Samuel, testeur de jeux chargé d’évaluer une IA révolutionnaire. Nommée A.I.L.A, cette dernière est capable de générer des expériences horrifiques en réalité virtuelle qui s’adaptent à ses réactions et à ses peurs. Chaque session de plonge ainsi Samuel dans un nouveau cauchemar thématisé entre culte occulte, ferme isolée, créatures du lac et morts‑vivants médiévaux, tandis que son appartement high-tech fait office de hub narratif où l’IA commence lentement à empiéter sur sa vie privée. L’idée de brouiller la frontière entre simulation et réalité fonctionne particulièrement bien au début, quand A.I.L.A s’invite dans le système domotique de Samuel et se met à manipuler son environnement, ses habitudes et même ses faiblesses, comme son rapport à l’alcool.​

Sur la durée, toutefois, le récit peine à aligner son ton et la progression psychologique du protagoniste, qui encaisse mutilations, poursuites et scènes de torture virtuelle avec une étonnante placidité, avant de paniquer pour des situations plus anecdotiques. La structure en scénarios quasi indépendants donne une belle variété de registres horrifiques, mais casse aussi la montée en tension et laisse certaines thématiques,  notamment la relation homme/IA et les choix moraux censés mener à différentes fins (le système de Karma), moins aboutis qu’annoncé. On reste avec l’impression d’un univers et d’un pitch très solides, mais d’une écriture qui n’exploite pas pleinement le potentiel émotionnel et métanarratif d’une IA qui apprend vraiment de nos peurs.

 

A.I.L.A

 

Un écrin next-gen, miné par les accrocs

Techniquement, A.I.L.A met clairement en avant son moteur : l’Unreal Engine 5 livre ici des environnements souvent superbes, appuyés par Lumen pour la gestion de la lumière et des matériaux réalistes qui renforcent l’atmosphère oppressante de chaque niveau. L’appartement de Samuel, baigné de reflets et de détails crédibles, comme certains décors de manoir ou de village médiéval, donnent lieu à de vrais moments de contemplation… avant que la direction artistique ne renverse tout dans le gore le plus frontal. Le chara design profite aussi de MetaHuman, avec des visages plutôt expressifs même si l’animation ne suit pas toujours, surtout dans certaines cinématiques.

Côté optimisation, le jeu tourne correctement sur une bonne configuration PC, avec des framerates élevés en réglages élevés, mais des chutes ponctuelles lors de séquences chargées ou de changements de zones se font sentir. L’ensemble sonore, lui, soutient bien l’ambiance : effets de pas lourds, gémissements lointains, cordes stridentes et design audio des créatures créent une tension constante, même si les jump scares abusent parfois avec une montée en volume facile.

 

A.I.L.A

 

Survie, puzzles et baston : une boucle ludique en dents de scie

Sur le papier, A.I.L.A reprend les fondamentaux du survival horror : exploration, gestion de ressources, énigmes environnementales et combats ponctuels, le tout à la première personne. Les différents “jeux” générés par l’IA changent régulièrement le cadre et les règles, ce qui permet au titre d’alterner infiltration, fuite pure, des séquences plus centrées sur l’action et des sections plus orientées puzzles sans tomber dans la répétition immédiate. Les sensations de déplacement, de fouille méthodique et la pression liée à la rareté des munitions fonctionnent plutôt bien, tout comme certains scripts horrifiques très marquants, parfois franchement dérangeants par leur recours à l’auto‑mutilation ou au body horror extrême.

En revanche, le combat s’impose comme le maillon faible, avec un feeling d’armes peu satisfaisant, des hitboxes approximatives et des affrontements qui versent plus dans le brouillon que dans la tension maîtrisée. Les énigmes, souvent mal téléguidées, manquent de lisibilité : indices trop cryptiques, level design volontairement labyrinthique mais sans aides claires, ce qui transforme certains passages en errance pénible plus qu’en montée d’angoisse. L’absence d’options d’accessibilité robustes pour guider la progression ou ajuster la lisibilité des objectifs accentue cette frustration, surtout dans les zones les plus chargées en puzzles. Malgré quelques bonnes idées comme le changement d’état d’un environnement via un téléviseur ou l’usage ponctuel de mécaniques originales, la boucle de jeu ne parvient jamais complètement à sublimer le concept central d’IA adaptative.

 

A.I.L.A

 

Une horreur calibrée, mais pas tout à fait mémorable

L’un des paris d’A.I.L.A est de proposer une horreur “modulée” par les réactions de Samuel et les choix du joueur, via des dialogues et un système de moralité censé influencer le comportement de l’IA et les fins obtenues. Cette promesse se traduit bien par la diversité des scénarios horrifiques explorés et par quelques variations de situations ou de dialogues, mais la sensation d’une horreur vraiment personnalisée reste en deçà de ce que le pitch laissait espérer. Les multiples fins existent bien, mais leur impact risque de laisser certains joueurs sur leur faim, tant les ramifications paraissent limitées par rapport à la richesse du concept.

Pour autant, le jeu parvient régulièrement à installer une paranoïa diffuse : les incursions d’A.I.L.A dans la vie privée de Samuel, la confusion croissante entre appartement réel et environnements de test, ainsi que l’utilisation appuyée du gore et de la cruauté corporelle marquent les esprits. Les amateurs de survival horror prêts à composer avec un gameplay rugueux et quelques problèmes de rythme y trouveront un titre solide, original par certains aspects et techniquement ambitieux, mais loin de la nouvelle référence qu’il aurait pu devenir.

 

A.I.L.A

Verdict final

A.I.L.A laisse au final l’image d’un survival horror aussi fascinant qu’irrégulier, constamment partagé entre fulgurances d’ambiance, idées méta enthousiasmantes et mécaniques trop souvent maladroites. Porté par un concept fort et une réalisation parfois impressionnante, mais freiné par son écriture inégale, ses combats décevants et son manque de polissage, le jeu de Pulsatrix séduira surtout les amateurs de sensations fortes prêts à pardonner ses accrocs pour profiter d’une expérience horrifique singulière
Test réalisé depuis une version PC avec 12h de temps de jeu.

Les points clés

  • Un concept méta brillant autour d’une IA qui façonne l’horreur et brouille la frontière entre jeu et réalité.
  • Une réalisation visuelle souvent impressionnante, portée par l’Unreal Engine 5, Lumen et MetaHuman.
  • Une atmosphère lourde et oppressante, servie par un excellent sound design et une mise en scène parfois choc.
  • La variété des scénarios horrifiques, qui explorent plusieurs sous‑genres du genre survival horror.
  • Un récit inégal, avec une progression émotionnelle de Samuel parfois incohérente.
  • Des combats mous et imprécis qui plombent plusieurs séquences clés.
  • Des énigmes souvent peu intuitives et un level design qui manque de lisibilité.
  • Un polissage technique perfectible, entre bugs, scripts capricieux et optimisation inconstante selon les supports.
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