Je vais vous parler de ce qui fâche. L'intelligence artificielle est partout, présentée comme l'avenir du numérique, mais je pense que son usage excessif et surtout sans contrôle est un danger mortel pour de nombreux corps de métiers, et tout particulièrement pour la presse française. Les nouveaux navigateurs dopés à l'IA, comme Perplexity ou Qwant, résument nos articles, empêchent la visite sur nos sites et bloquent nos revenus. Dans cet édito personnel, j'explique pourquoi cette tendance, si elle n'est pas régulée, signe la mort des médias français.
Perplexity et Comet : Le début du pillage légalisé
Ce que je constate, c'est l'arrivée massive de navigateurs sortis de nulle part. Prenons l'exemple de Perplexity : il va piocher ses sources sur d'autres plateformes pour s'alimenter, comme il l'a fait sur Reddit. Le souci, c'est que cela pose un énorme problème juridique, comme le montre la récente plainte de Reddit, mais aussi du Wall Street Journal, l'encyclopédie Britannica, et je trouve cela parfaitement normal.
Pire, ils lancent Comet, un navigateur web basé sur Chromium (l'ancêtre open-source de Chrome), mais avec leur propre moteur d'IA. Un moteur qui, selon moi, s'est gavé des données des acteurs présents depuis des années pour se construire.
Je ne suis pas contre l'IA. C'est une bonne chose pour de nombreux sujets : la rédaction assistée, la traduction, le code, la vérification ou le calcul. Le hic, c'est que ces nouveaux navigateurs modernes délaissent complètement les créateurs de contenu numérique. En 2025, l'IA résume des articles entiers sans comptabiliser la visite sur le site source.
L'IA pénalise les auteurs et assèche les revenus
Le mécanisme est simple : en fournissant un résumé complet, l'IA empêche l'affichage publicitaire sur le site d'origine. Quesako ? En gros, cela signifie que l'IA vole le contenu indirectement à ses créateurs. Elle cite la source, certes, mais plus personne ne clique dessus. Le résultat direct pour les sites d'actualités français est une perte de trafic massive, et donc une perte de revenus.
Oui, je sais, la pub c'est chiant, tout le monde le sait. Nous-mêmes, chez INFINITY AREA, nous avons de la publicité sur notre site. Mais sans ça, c'est la fermeture assurée et une réduction drastique des publications.
Vu la situation économique actuelle en France, c'est un véritable coup de massue. D’ailleurs, chez nous, nous utilisons l’IA pour reformuler notre propre contenu ou pour mettre en forme des informations officielles vérifiées, mais c’est un humain qui contrôle, choisit les mots-clés, rectifie l’article et le met en page et non une IA générative qui pond du contenu en mode copié-collé.
Des sites 100% IA qui noient les résultats de recherche
Ce fléau ne s'arrête pas aux navigateurs. Je vois fleurir des sites 100% propulsés par l'IA, qui écrivent sans aucune intervention humaine. Ces plateformes utilisent des procédés de scraping pour piller le contenu existant et le régurgiter via une IA.
Le résultat ? Une "bouillie numérique" qui noie les résultats de recherche et provoque un désintérêt collectif. Ces sites sont sans intérêt, mélangeant sans aucune logique la cuisine et les jeux vidéo, simplement pour tenter de capter du trafic. Le pire dans tout ça, c'est que nous retrouvons très souvent nos propres articles, sur lesquels nous passons du temps, copiés mot pour mot sur ces plateformes parasites.

(dans lequel nous sommes cités en lien) sympa la Switch.
De Google à Qwant : L'Europe face à la "bouillie numérique"
Pour le moment, Google reste le leader. Mais demain, Google risque aussi d'intégrer sa propre IA qui résumera les articles en France. C'est déjà disponible aux États-Unis, et les retours des médias sont flagrants : certains sites ont littéralement fermé quelques mois après. Pour moi, l'IA pénalise les auteurs, va à l'encontre des droits d'auteur et coule littéralement des sites (et les sociétés derrière).
Je vous invite à regarder le reportage d'Arte qui qualifie l'IA de "bouillie numérique", montrant comment les gens pillent et utilisent l'IA n'importe comment, générant désinformation et fake news. Malheureusement, même l'Européen Qwant, navigateur franco-allemand, suit cette voie. Il résume les informations, bloque les publicités et ne rémunère pas le site source. C’est une catastrophe pour l’écosystème numérique français, car si demain plus personne n’écrit, alors il n’y aura plus d’alimentation pour les IA et de nombreux secteurs mourront.
Merci à Greenhoster pour la vidéo.
L'IA et la concurrence déloyale : l'exemple du New York Times
D'après l'excellent article de Clubic ce que je trouve le plus navrant, c'est le double jeu de ces systèmes. Des chercheurs ont révélé que le comportement d'un navigateur IA comme Perplexity (via son moteur "Atlas") change subitement de tactique lorsqu'on lui demande de résumer un article du New York Times. Au lieu de piller le contenu, il va fournir un résumé basé sur la couverture des mêmes faits par The Guardian, le Washington Post, Reuters ou l'Associated Press. Et pourquoi ? Parce que plusieurs de ces sources disposent d'accords de licence avec OpenAI.
Je trouve cela navrant. On assiste à un système où deux ou trois sociétés de presse vont dans le sens de l'IA contre de l'argent, pénalisant par la même occasion des millions d'autres sites. Cela crée une concurrence déloyale flagrante : l'IA ne citera plus la source la plus pertinente, mais la source partenaire.
Les rédactions deviendront-elles des agences payées par l'IA
Cela pose une question sans fin : est-ce que les rédactions vont finalement devenir de simples agences payées par des IA pour leur fournir de l'actualité ? Personnellement, je trouve la question bien compliquée. Il y a des millions de sites internet dans le monde.
Je vois très mal l'IA, ou les entreprises qui la dirigent, payer ces millions de sites. Surtout quand on sait que beaucoup d'entre eux, tenus par des passionnés, n'ont même pas de prétention financière. Ce scénario semble irréaliste et ne ferait que renforcer les accords de licence avec une poignée de grands groupes de presse, laissant tous les autres mourir.
L'avenir du web français dépend d'une régulation
Aujourd'hui, je pense que c'est vous, l'utilisateur de navigateur ou de mobile, qui êtes l'avenir du web. Si les tendances restent sur l'IA à 100%, demain les médias français mourront.
La seule issue serait que les sociétés dirigeant ces IA mettent en place des alternatives de rémunération, un peu comme le fait Google AdSense en tant que régie publicitaire. Je pose donc la question : à quand une véritable régulation de l'IA mondiale ?
Sources des plaintes : SiecleDigital, Le Monde, KultureGeek
Crédits : Arte, Greenhoster, Clubic
Crédits images : Unsplash+ licence ALTITUDE DEV















